Epeesmaconniques
Introduction : les épées dans le matériel de la Loge

Pour se livrer à leurs Travaux rituels, les Francs-maçons réunis en Loge ont besoin, non seulement d’un mobilier spécifique, mais également de divers objets, parmi lesquels on trouve notamment des épées.

Pourquoi ces épées dans la Franc-maçonnerie ?

Que viennent faire ces armes blanches dans nos confréries qui se veulent pourtant affranchies des servitudes du profane ?

Tout est symbole, dit-on. Tout n’est-il que symbole ?

Ce symbole n’en porte pas moins sens. Si tout symbole est libre d’interprétation par chaque Frère, il n’empêche que l’épée porte en elle son pouvoir, sa charge de signification que l’on ne peut nier.

Commençons par évoquer la présence de l’épée dans l’histoire et voyons comment et quand elle est apparue dans la Franc-maçonnerie.

Quelles sont les origines de l’épée ?

A l’origine l’épée est une arme et sert à combattre. C‘est avant tout un symbole militaire. C’est aussi un symbole royal et chevaleresque marquant le pouvoir et la noblesse du personnage.

L’épée dans les légendes

Quelques légendes sont attachées à l’épée. Dans cette tradition chrétienne, l’épée est une arme de noblesse appartenant aux chevaliers et aux héros. Leurs épées sont personnalisées et portent souvent un nom : « Joyeuse » pour Charlemagne ; « Durandal » pour Roland ; « Nothung » pour Siegfried, et la fameuse « Excalibur » du roi Arthur dans la légende des Chevaliers de la Table Ronde…

… sans oublier l’épée de Perceval (qui ne semble pas avoir de nom et qui apparaît dans le Conte du Graal, cinquième roman de Chrétien de Troyes). La Vierge du Graal, la remet à Perceval. La Dame par sa puissance spirituelle, possède le pouvoir de la ressouder.

L’épée représente la part agissante du chevalier, symbole à la fois de rectitude et d’efficience. A l’épée merveilleuse qui fut donnée à Perceval au château du roi Pêcheur à l’aube de sa quête, alors même qu’il allait se trouver affronté à sa première grande épreuve en présence du cortège du Graal, répond cette autre épée extraordinaire devant laquelle Galaad, l’autre héros de la quête, marquera prudence et respect.

Dans le domaine des arts, de nombreuses peintures et sculptures représentent de nobles guerriers le bras armé d’une épée tel saint Georges terrassant le dragon.

Rappelons encore la place prépondérante qu’occupe l’épée au cours du Moyen Age dans le cadre des tournois et des croisades.

Les épées dans l’histoire de la Franc-maçonnerie

L’histoire de l’introduction de l’épée dans certains rituels maçonniques est une excellente illustration du fait que les usages maçonniques ne se comprennent bien souvent qu’en fonction du contexte culturel qui les a vus naître. Et ces contextes, dès le 18ème siècle, différaient beaucoup de part et d’autre de la Manche.

En Grande-Bretagne, de nos jours encore, l’usage de l’épée est tout simplement prohibé en loge. Elle n’y fait jamais son apparition au cours d’une cérémonie quelconque et aucun Frère n’en porte une, ni à la main, ni au côté.

Pourquoi en est-il ainsi ?

Lorsque la Franc-maçonnerie spéculative a fixé ses usages, au début du 18ème siècle, l’Angleterre sortait de près de 150 ans de guerres civiles, politiques et religieuses, qui avaient ensanglanté le pays. Avec l’établissement de la dynastie de Hanovre et l’échec des tentatives de restauration des Stuarts, le calme pouvait revenir. Les Loges contribuèrent à cet esprit nouveau. On insista sur le fait que les polémiques politiques et religieuses n’y auraient jamais droit de cité… et que l’épée, symbole des luttes fratricides que l’on ne voulait plus revoir, en serait bannie !

Mais lorsque la Franc-maçonnerie franchit la Manche, il en fut tout différemment. En France, la distance sociale entre les nobles et les roturiers se marquait notamment par le port de l’épée, réservée aux nobles – sauf pour les militaires de métier.

Du point de vue historique, l’emploi de l’épée dans les Loges maçonniques date du 18ème siècle, c’est-à-dire dès l’origine de la Maçonnerie spéculative. Cette mesure fut prise en vue d’appliquer dans les loges les principes d’égalité qui exprimaient alors ceux de la liberté.

Dès 1737, on rapporte qu’à Paris, l’usage de l’épée dans la Loge du « Grand Maître » – le jacobite Derwentwater – avait ému les Frères parisiens dont certains s’étaient élevés contre cette « innovation ». C’en était une, assurément, mais elle fut pourtant rapidement adoptée par tous les Maçons français, car ces derniers purent lui donner une sens qui n’aurait pas été acceptable de l’autre côté de la Manche. Du coup, l’épée se chargea de significations nouvelles : ordinairement placée sur l’Évangile qu’on disposait sur le plateau du Vénérable, c’est sur cet ensemble que les candidats prêtaient leur serment. On leur indiquait alors que l’épée sur laquelle reposait leur main était aussi « un symbole de l’honneur ».

Dans les plus anciennes divulgations maçonniques françaises, imprimées à partir de 1744, il était explicitement précisé que, dans le cadre idéal de la Loge, et pour le temps de ses Tenues, tous les Frères devenaient égaux. Mais on fit choix de l’égalité « par le haut ». Tous les Frères étant réputés gentilshommes, tous furent appelés à porter l’épée, qu’ils fussent nobles ou non « à l’extérieur » !

L’épée, rappel d’affrontements civils intolérables en Angleterre, était devenue en France le signe de l’égalité fondamentale de tous les Maçons…

Chacun sait qu’au cours des années qui ont précédé la Révolution Française de 1789, un grand mouvement s’est éveillé en France, sous certains vocables dont les plus prestigieux ont été ceux de Liberté et d’Égalité. Plus tard, en 1848, viendra le mot Fraternité. Or, à cette époque, se trouvaient dans les Loges maçonniques des hommes de toutes origines, de toutes conditions sociales, lesquels se réunissaient sur un pied absolu d’égalité.

C’est ainsi que sous Louis XV, se réunissaient des aristocrates, et même des membres de la famille royale, des prélats, des bourgeois, des militaires, des artisans s’y côtoyaient, tous sans préséance ni distinction de rang.

Pour mieux marquer cette égalité, nos anciens ont eu recours à certains symboles que la Maçonnerie « moderne » a conservés, comme celui du port de l’épée, alors que dans la vie sociale seule la noblesse avait ce droit. C’est la raison pour laquelle, depuis cette époque, mais dans certains rites seulement, les Maîtres Maçons portent dans leurs Travaux et cérémonies cette épée qui était autrefois l’apanage des nobles. Aujourd’hui les Maîtres Maçons sont nobles par le cœur et par l’esprit.

Vers la fin du 18ème siècle, le Rite Écossais Rectifié (R.E.R.), le premier rite à formuler des rituels très précis et circonstanciés, stipulera que si tous les Frères portent l’épée, seuls les Maîtres la « manient ».

Sauf rare exception, nul ne se promenait plus une arme au côté sous la Restauration ! C’est pourquoi au 19ème siècle, la symbolique sociale de l’épée était nettement en recul. Son usage devint de plus en plus limité en Maçonnerie. L’épée ne restera plus que l’apanage de certains Officiers et ne sera utilisée par les Frères que dans des cas très particuliers, par exemple pour former une voûte d’acier (un usage dont l'origine n'est d'ailleurs pas maçonnique mais purement militaire). On les dispensera finalement de la porter en permanence. Mais de nos jours, certaines loges, notamment au R.E.R., ou encore au Rite Français Traditionnel, ont rétabli le port constant de l’épée par tous les Frères.


L’Épée en Franc-maçonnerie

Il est bon de rappeler ce que les Loges ont fait des épées, qui sont maniées par le Vénérable Maître, l’Expert et le Couvreur. Ces deux derniers officiers tirent leur fonction de l’épée du Vénérable Maître : l’Expert utilise son épée pour la mise en œuvre des rituels et veiller à leur bon déroulement, et le Couvreur s’en sert pour protéger le Temple intérieurement et extérieurement.